
Le concept du double mouvement de Polanyi
Karl Polanyi explique que l’histoire de l’économie moderne est marquée par deux forces opposées. D’un côté, il y a un mouvement qui cherche à libéraliser l’économie, c’est-à-dire à tout faire fonctionner selon les règles du marché libre (comme le libre-échange, la déréglementation, ou la fin des aides sociales). De l’autre, un contre-mouvement cherche à protéger les gens et l’environnement de ces changements brutaux, en maintenant l’économie au service de la société. Par exemple, dans le monde agricole, ce contre-mouvement se manifeste à travers la défense de l’agriculture paysanne, de la souveraineté alimentaire ou des droits des peuples autochtones sur leurs terres.


La marchandisation fictive du travail et de la terre
Polanyi critique le fait que certaines choses essentielles à la vie comme la nature (la terre) et le travail humain soient traitées comme des marchandises qu’on peut vendre et acheter librement sur un marché. Or, ni la terre ni le travail ne sont des produits fabriqués pour le marché : ce sont des éléments vivants, liés à des gens, à des écosystèmes. Les considérer comme des marchandises ce que Polanyi appelle une "marchandisation fictive" provoque des destructions sociales et environnementales. C’est une des causes profondes des crises agricoles actuelles, car cela pousse à exploiter les terres et les travailleurs au maximum, sans prendre en compte leurs limites.
Le désencastrement des activités économiques
Ce terme un peu complexe signifie que l’économie a été séparée du reste de la société : elle ne tient plus compte des relations humaines, des besoins des communautés ou des équilibres écologiques. C’est ce qu’on appelle le désencastrement. L’agriculture, autrefois ancrée dans des pratiques locales et des savoirs communautaires, est désormais soumise aux règles du marché mondial. Cela crée des tensions fortes, surtout pour les petits producteurs, qui ne peuvent pas rivaliser avec les grandes entreprises agroalimentaires.


Le contre-mouvement
Face à ces effets négatifs, des luttes émergent partout dans le monde. Elles prennent la forme de mouvements pour la souveraineté alimentaire, de lois pour protéger les terres autochtones ou encore d’efforts pour relocaliser la production agricole. Tous ces exemples illustrent ce que Polanyi appelle un contre-mouvement : une réaction collective pour remettre l’économie à sa place, au service des sociétés et non l’inverse.
image : Stephane AUDRAS/REA
Bref résumé
La discipline de l’économie nous aide à mieux comprendre les logiques cachées derrière l’agriculture industrielle, où la recherche du profit transforme la terre et le travail humain en simples marchandises. Grâce aux concepts de Karl Polanyi abordés dans ce billet de blog : le double mouvement, la marchandisation fictive du travail et de la terre, ainsi que le désencastrement des activités économiques, nous comprenons mieux comment l’économie de marché s’impose au détriment des sociétés rurales et de l’environnement. Ces concepts nous permettent aussi de réfléchir à des alternatives possibles, en mettant en lumière les luttes collectives qui défendent une agriculture respectueuse des personnes, de la nature et des besoins locaux, comme le montre le contre-mouvement.

Pour plus d'informations
Si vous désirez vous informer davantage sur le sujet, je vous conseille de vous référer directement à l’ouvrage de Lise-Anne Léveillé, qui est la source des informations de ce billet de blog. Elle y aborde en profondeur les concepts de Karl Polanyi dans sa thèse : Construire une alternative à l’agriculture industrielle : les organisations paysannes et la souveraineté alimentaire au Québec et à Oaxaca.
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